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Le far west au Québec

Je n’ai pas encore écrit sur le projet de loi 20 qui n’est aujourd’hui plus un projet. Désormais, la fécondation in vitro ne sera plus remboursée par l’assurance maladie du Québec (et plein d’autres choses bien plus graves encore sont passées dans cette loi, mais ce n’est pas le sujet de ce blogue). Plusieurs couples infertiles pleurent de voir s’envoler leur dernière chance d’être parents biologiques. Moi ce qui m’attriste dans tout cela, c’est qu’on ne se préoccupe à peu près pas des conséquences sur les enfants que des couples finiront par avoir. Quand le désir d’enfant est aussi fort, il arrive qu’on fasse des trucs pas trop catholiques pour en venir à nos fins. Je crains plusieurs dérives suite à l’adoption de cette loi.

Tourisme procréatif

C’est l’option la plus accessible pour bien des couples de la classe moyenne. Il existe des cliniques au Mexique où on peut acheter un forfait fiv tout inclus. Vous allez passer une semaine dans le sud et vous revenez enceinte. Le problème? Il n’y a aucun contrôle. On pourrait mélanger vos embryons avec ceux du couple voisin de votre chambre d’hôtel. On vous proposera des vous implanter 2-3-4 embryons pour « maximiser » vos chances. Vous pourriez choisir le sexe de vos enfants avant qu’on ne vous les mette dans le ventre. Et si ça ne fonctionne pas, on vous trouve une mère porteuse dans le bidonville le plus proche. Pas de trouble! On va le régler votre problème…

Hausse des IAD

L’autre option qui s’offrira aux couples infertiles moins nantis sera l’insémination artificielle avec donneur. Au Québec, on fait ça au plus cheap. Donneur anonyme seulement. On achète carrément les fonds de tank des banques de sperme des États-Unis. Un vrai deal! Aucune préoccupation pour les enfants ainsi conçus. On vous rempli le ventre, pis arrangez-vous avec vos troubles après.

Les rumeurs disent qu’il faudra désormais payer pour les paillettes de sperme. On offrira probablement aux couples, pour un pas très léger supplément, d’acheter du sperme de donneur identifié plutôt qu’anonyme. Très mince consolation si c’est le cas…

En gros, on privatise tout, et on déroule le tapis rouge pour une industrie qui est proche de vendre des humains. Je suis dégoutée…encore plus que les couples qui crient qu’avoir un enfant est un droit.

Avec cette loi, les traitements de fertilité se feront ici comme aux États-Unis. Et là-bas, c’est le far west…

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Couples infertiles : le malaise qui empêche le compassion

Une maman filme son bambin en lui demandant de dire merci au programme de procréation assistée d’avoir permis sa naissance et en lui demandant « Es-tu heureuse d’être avec nous? ». Des photos d’enfants publiées quotidiennement avec la mention « je suis né grâce à la fiv ». Une pancarte posée sur une poussette vide dans une manifestation sur laquelle on peut lire « Les bébés éprouvette d’aujourd’hui sont les payeurs de taxes de demain ».

Suis-je la seule à éprouver un réel malaise face à ces « coups de pub » employés dans le but de faire reculer le Ministre de la Santé sur sa décision de ne plus financer les traitements de fécondation in vitro pour les couples infertiles québécois?

Depuis un moment, je suis l’Association des couples infertiles du Québec  (ACIQ) sur les réseaux sociaux et plusieurs fois, j’ai été en colère de lire certaines de leurs publications maladroites. Pourtant, je souhaite également que les traitements de fiv soient remboursés par l’assurance maladie, ne serait-ce que pour éviter que les couples infertiles choisissent l’insémination artificielle avec donneur anonyme pour donner naissance à un enfant. Pourquoi donc est-ce que je réagis si fort face à leurs revendications que j’appuie par ailleurs totalement?

Mon point de vue n’est que très peu présenté par les médias. On croit à tort que les enfants de la procréation assistée n’ont pas d’opinion sur la question, ou que leur opinion est nécessairement la même que celle de leur parents.Or, nous sommes des êtres distincts, et notre expérience de l’infertilité diffère de celle de nos parents. Les couples infertiles qui choisissent les traitements de fertilité sont les principaux acteurs dans leur vie, nous, nous subissons les conséquences des décisions prises pour nous. Nous sommes devant le fait accompli, et nous vivons avec, peu importe.

Certains d’entre nous vont effectivement se ranger derrière leurs parents. Que ce soit par réelle compassion ou par peur du rejet, cette position est légitime. Mais d’autres, comme moi, auront aussi un point de vue différent, tout aussi légitime.

Je suis très mal à l’aise de voir qu’on nous attribue d’office le point de vue de nos parents avant même notre naissance. Qu’on fasse de nous des objets à brandir pour une cause qu’on ne comprend pas encore, aussi noble soit-elle. Ce qui bloque ma compassion face à la cause des couples infertiles, c’est l’instrumentalisation des enfants qu’ils réussissent à concevoir.

Je sais que la bataille de l’opinion publique n’est pas facile à gagner. Mais l’utilisation d’enfants-soldats, ce n’est pas acceptable. Attendez donc qu’on soit en âge de voter avant de nous envoyer au front…

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Payer ou ne pas payer, telle est la question!

J’attendais avec impatience cet automne la décision du gouvernement par rapport au maintien ou non et aux modifications du programme québécois de procréation assistée. On commence à en avoir des échos, et là, je me dis qu’il serait temps que je fasse le point sur mon opinion à ce sujet. Rappelons que le Commissaire à la Santé et au Bien-Être a tenu une consultation publique l’an dernier et son rapport est sorti cet été. Dans son rapport, le CSBE considérait que le programme n’était ni viable d’un point de vue économique, ni socialement acceptable dans sa forme actuelle. Il proposait donc plusieurs modifications, certaines très intéressantes, d’autres assez controversées, afin d’améliorer la situation.

Le Ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait laissé toutes ses options ouvertes: de l’abolition totale du programme (fort peu probable selon moi, après tout l’argent qui a été investi pour offrir des services de fécondation in vitro dans les hôpitaux publics) à la tarification des services selon le revenu des utilisateurs. C’est cette dernière option qui semble avoir été retenue selon ce qu’on lit dans les médias en ce moment.

Je suis rassurée que le programme ne soit pas totalement abandonné parce que je suis absolument contre l’abolition de ce programme. Pas pour des raisons financières, pas parce que je suis sensible à la cause des couples infertiles, non; parce que je pense à ce que ça aura comme effet sur les générations futures de personnes nées de la procréation assistée. J’ai très peur des dérives qui viennent inévitablement avec la marchandisation du corps humain, de la vie, de la conception. Je ne suis pas devenue une activiste pro-vie, loin de là. Je pense simplement que de réserver l’accès aux services de procréation assistée à ceux qui ont les moyens de payer créera inévitablement des problèmes pour ceux qui n’ont pas les moyens mais qui veulent désespérément avoir des enfants, et bien entendu, leurs enfants en souffriront beaucoup plus. Lorsque l’avortement n’est pas accessible dans une société, c’est là qu’on a des histoires sordides de broches à tricoter ou de cintres en métal. Lorsque la procréation assistée n’est pas disponible, certaines personnes vont se tourner vers des solution douteuses également. Le tourisme procréatif par exemple: ça coute beaucoup moins cher d’aller se faire faire une FIV au Mexique ou d’y engager une mère porteuse, on ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis avec la réglementation, on veut croire que c’est sécuritaire. Même ici, on risque de proposer des services à rabais pour ceux qui ne veulent pas payer. Trop cher la FIV? On va vous faire une insémination avec un donneur anonyme pas cher (un fond de tank d’une banque de sperme américaine, un homme « fiable » qui a payé la bière bue pendant ses études en engendrant une centaine d’enfants de par le monde).

L’un des arguments qui a été avancé lors de la mise en place du programme était la réduction des grossesses multiples découlant de la FIV. En effet, lorsqu’on paie plusieurs milliers de dollars pour une FIV, on veut être certains que ça fonctionne du premier coup, et tant qu’à faire, compléter notre famille plus rapidement à coup de 2 ou 3 bébés. Cela a bien entendu un effet sur le nombre de grossesses « à risque » qui devront être prises en charge par le système de santé publique, mais augmente aussi le risque de complications qui peuvent avoir des conséquences graves sur les enfants qui naitront de ces interventions. On s’est dit que si c’était le gouvernement qui payait, qu’on aurait le droit de dire aux médecins qu’ils n’avaient pas le droit d’en implanter plus d’un à la fois. On n’a pas vraiment financé le programme avec ça pour plusieurs raisons vraiment prévisibles, mais on a quand même réduit le nombre de grossesses multiples associées aux transferts d’embryons multiples. Et ça, ça m’intéresse…

Si le gouvernement paie pour les traitements de fertilité, il se donne le droit de réglementer. Si on maintient le programme de procréation assistée au Québec, on aura le droit d’imposer une réglementation qui le rendra plus socialement acceptable. Les descendants de la procréation assistée ne sont pas encore assez nombreux à prendre la parole; pour l’instant, on n’entend que les couples infertiles (et une couple de chiâleux qui ne veulent pas payer). Cependant, je pense que plus on sortira de l’ombre, plus notre point de vue pourra être pris en considération, au même titre que celui des couples infertiles qui oublient parfois que leur enfant si chèrement payé, si durement gagné, deviendra un adulte capable de réfléchir pour lui-même à un moment donné, et capable de se rendre compte que ce programme le concerne beaucoup plus que ses parents en réalité. On pourra faire comprendre au monde que l’anonymat des fournisseurs de gamètes est nocif et dangereux, que le secret pourrit nos relations familiales, et que les médecins en fertilité et les banques de gamètes utilisent notre désespoir pour se remplir les poches.

J’espère que dans sa réforme du programme de procréation assistée, le Dr Barrette tiendra compte des recommandations du CSBE, particulièrement celles qui ne visent pas nécessairement à diminuer les couts du programme. Du reste, Monsieur le Ministre, j’aimerais bien ça vous rencontrer un de ces jours…

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Petit guide pour la recherche de ses origines (1ère partie)

Voilà, vous savez que vous avez été conçu avec l’aide de gamètes étrangères, et soudainement, c’est devenu important pour vous d’en savoir plus sur vos origines. Vous croyez que c’est impossible, tout le monde vous a dit que l’anonymat des donneurs devait être respecté à la lettre, que vos dossiers ont été détruits ou qu’ils n’ont jamais existé, que ça ne changera rien à votre vie de savoir (pfff!), que vous ne devriez pas perdre votre temps avec ça… Mais, comme moi, il y a encore quelque chose au fond de vous qui accroche, une petite voix qui crie à l’injustice. Si les adoptés peuvent faire des recherches, pourquoi pas vous?

En effet, tout est possible! Sur les différents groupes de personnes issues de « donneurs » que je fréquente, je lis régulièrement des histoires de gens qui ont réussi à trouver des demi-frères/sœurs, si ce n’est pas carrément leur géniteur. Des gens de mon âge, mais aussi des plus vieux (certains pourraient être mes grand-parents!) et des plus jeunes. Certaines recherches demandent beaucoup d’efforts, d’autres sont rapidement couronnées de succès par un événement totalement improbable. Il faut savoir qu’à l’ère de l’ADN, des technologies de l’information et des réseaux sociaux l’anonymat n’est plus vraiment possible. Certaines personnes n’arrivent évidemment jamais à trouver quoi que ce soit de tangible, mais en général, on peut trouver plus d’information qu’on ne le croit.

J’essaie ici de donner quelques pistes de recherche dans le monde extrêmement vaste et méconnu qu’est l’histoire de la procréation assistée. Partout, on va vous parler de ce qui se fait à l’heure actuelle, mais on « oublie » souvent volontairement les pratiques qui ont été faites par le passé. Ces pratiques font partie de notre histoire, c’est à nous de la documenter maintenant!

Notez toutefois que les différents outils dont je vais vous parler sont en constante évolution. Si vous relevez une inexactitude, un changement ou si vous faites une découverte intéressante, je vous serais très reconnaissante de communiquer avec moi afin que je puisse mettre ces données à jour.

Pour commencer

Avant de vous inscrire partout, de payer des tests d’ADN et de cogner à toutes les portes, essayez d’amasser le plus d’information possible auprès de vos parents. C’est souvent très difficile pour eux d’aborder ce sujet, ils seront probablement déstabilisés par vos questions, mais ce sont eux qui sont les premiers détenteurs de l’information de base dont vous avez besoin. En général, votre mère aura accès à plus d’information que votre père, le dossier médical, s’il existe, est à son nom, c’est donc la seule personne qui peut légalement y accéder. Vous aurez aussi besoin de support moral extérieur à votre famille. Entourez-vous de gens de confiance qui comprendront le sens de votre quête et ne se sentiront pas menacés par celle-ci. Si vous êtes un peu comme moi, vous aurez besoin de ventiler souvent!

Quoi demander à vos parents? D’abord, tout ce dont ils se souviennent. Demandez-leur de vous raconter précisément leur expérience en clinique de fertilité. Un détail anodin de l’histoire pourrait vous mettre sur une piste. Il n’auront probablement pas retenu précisément les informations utiles (ma mère a même pratiquement oublié le nom du médecin qui a pratiqué l’intervention et ne sait pas s’il y avait un numéro de donneur…), mais certaines choses pourront vous guider. Soyez patients, même si c’est parfois pénible et frustrant à entendre comme histoire. C’est probablement un moment où vos valeurs seront bouleversées, pour moi, ça a été l’un des moments où je me suis sentie le plus objectivée et traitée comme un bien de consommation de toute ma vie.

Détails à retenir ou à soulever

  • Sperme frais ou congelé
  • Numéro de donneur
  • Banque de sperme d’où provenait la semence (si ça s’applique)
  • Critères de sélection du donneur
  • Date de conception (vous pourrez aussi la déduire ou en avoir une idée plus claire si vous faites venir votre dossier de naissance)
  • Nom de la clinique ou de l’hôpital où vous avez été conçu et où vous êtes né
  • Nom du médecin qui a pratiqué l’intervention
  • Nom de toute personne qui travaillait à la clinique dont vos parents se souviennent (infirmière, embryologiste, psychologue, secrétaire, réceptionniste, concierge, etc.)

Il pourrait aussi être utile de connaitre le groupe sanguin de vos parents et le vôtre et de faire un peu de génétique mendélienne cheapette si vous arborez certains traits dominants ou récessifs évidents (fossette, yeux bleus, cheveux frisés, etc.).

Frais ou congelé: une question essentielle!

La congélation du sperme est une technologie pas aussi récente qu’on ne le croit. Déjà, dans les années 60, certaines cliniques l’utilisaient. Toutefois, étant donné que ça engendrait des couts et des manipulations supplémentaires, la majorité des cliniques utilisaient du sperme frais quand c’était possible. C’était avant qu’on ne sache quoi que ce soit à propos du VIH/SIDA et de plein d’autres maladies transmises par le sperme. Les femmes qui ont subi des traitements de fertilité à cette époque n’avaient pas idée à quel point elles pouvaient être à risque de contracter des maladies aussi dangereuses. Jusque tard dans les années 80, le sperme frais était employé dans plusieurs cliniques québécoises. L’homme venait faire son « don » à la clinique le même jour que l’insémination, mais on s’organisait pour qu’il ne puisse pas croiser les parents intentionnels.

Le sperme frais était surtout utilisé pour des inséminations vaginales, où le sperme était déposé à l’entrée du col de l’utérus sans le traverser, tandis que le sperme congelé servait généralement pour les inséminations intra-utérines, de l’autre côté du col, ou pour des fécondations in vitro, plus tard. Si votre mère ne sait pas exactement si c’était frais ou congelé, elle devrait savoir quel type d’insémination elle a eu.

C’est important de savoir si vous avez été conçu avec du sperme frais parce que ça va orienter toute votre recherche par la suite.

Si vous avez été conçu avec du sperme frais, vous pouvez être certain que votre géniteur était présent à la clinique le jour de votre conception. Vous pouvez déduire qu’il était relativement jeune à ce moment-là (souvent entre 18 et 30 ans, pas plus). On recrutait souvent des étudiants universitaire, généralement en médecine, mais aussi dans d’autres domaines. Vous pourrez aussi être rassurés sur le nombre potentiel de demi-frères/sœurs que vous pourriez avoir. En effet, cette façon de faire limitait considérablement le nombre de « dons » qu’un homme pouvait faire. Si l’homme en question n’a pas eu de descendants « légitimes », il est probable que vous êtes le seul ayant bénéficié de ses gènes, bien que ce ne soit pas garanti à 100%. Dans toute l’histoire de la procréation assistée, il y a plusieurs cas documentés de donneurs prolifiques (souvent gynécologues eux-mêmes) ayant engendré des descendances trop nombreuses sans se douter que quelqu’un pourrait réaliser quoi que ce soit.

Si vous avez été conçu avec du sperme congelé, là, c’est plus compliqué. Vous pourriez très bien être issu d’une grande banque de sperme des États-Unis, comme c’est possible (mais moins probable) que votre géniteur soit québécois. Le sperme congelé a une durée de conservation presque éternelle, ce qui fait que votre géniteur pouvait avoir arrêté de « donner » depuis un bon bout de temps au moment de votre conception. De plus, en congelant le sperme, il est possible de faire plusieurs « doses » avec un seul éjaculat. Il est aussi possible pour un homme de faire beaucoup plus de dons tout au long de sa vie, étant donné qu’il n’a pas à synchroniser ses visites avec le cycle d’une patiente. Si c’est votre cas, vous aurez fort probablement un numéro de donneur, ce qui vous aidera grandement dans vos recherches. Il y a aussi fort à parier que vous ayez de nombreux demi-frères/sœurs un peu partout au Canada, aux États-Unis et même ailleurs dans le monde.

Dossiers médicaux

Si vos parents ne se souviennent que de très peu de détails concernant votre conception, il est probable que des dossiers médicaux contiennent des informations qui vous seront précieuses.

La première démarche facile à faire est de demander votre dossier de naissance, incluant la « feuille d’accouchement », à l’établissement où votre mère a accouché. Pour cela, vous n’avez pas besoin de l’accord de votre mère puisque vous étiez au monde au moment où ça a été rédigé. Vous devrez vous informer aux archives médicales de l’établissement sur la manière de formuler une demande. Normalement, il n’y a pas de frais pour cela, mais on peut vous faire payer pour des photocopies ou des frais de poste.

Le dossier de naissance ne comprendra généralement pas d’information sur votre géniteur, mais vous aurez, outre certains trucs intéressants comme l’heure de votre naissance et le déroulement général de celle-ci, la date des dernières règles de votre mère ainsi que sa date prévue d’accouchement. Ces deux informations vous permettront de déduire assez précisément votre date de conception.

Vous aurez ensuite besoin de votre mère pour demander votre dossier de conception. Avec elle, il faudra présenter une demande aux archives médicales de la clinique où vous avez été conçu. Si la clinique n’est plus en fonction, il faut vous informer de l’endroit où sont conservées ses archives; légalement, un autre établissement doit en avoir pris la responsabilité.

Le même processus s’applique que pour le dossier de naissance, seulement, c’est votre mère qui devra signer les demandes et qui recevra les informations. Il est possible que les dossiers n’existent plus puisque l’insémination artificielle n’est pas une chirurgie et ne nécessite pas d’hospitalisation. Avant les années 90, on ne conservait pas beaucoup d’information dans les dossiers médicaux.

Autres démarches

Si c’est possible pour vous de contacter le médecin ou l’infirmière de la clinique où vous avez été conçu, faites-le! Demandez le plus d’information possible, faites-les parler. Sans demander directement l’identité de votre géniteur, il est possible qu’ils aient des informations « non-identifiantes » ou qu’ils vous parlent des critères de sélection qu’ils appliquaient, de comment ils recrutaient, etc. Il est probable qu’ils ne voient pas votre demande d’un très bon œil, mais il est aussi possible qu’ils soient emballés par votre projet de recherche. Vous ne saurez pas si vous ne demandez jamais!

La suite

Avec ces informations en main, il vous est plus simple de décider vers où enligner vos recherches. Il existe des compagnies étasuniennes (23andMe et Family tree DNA) qui vous permettent d’avoir plein d’informations sur votre ADN avec un simple échantillon de salive. Il y a aussi des registres gratuits (donorchildren) et payants (Donor sibling registry) qui peuvent aussi être utiles à différents égards, tout dépendant de l’information dont vous disposez. Vous aurez aussi probablement à vous familiariser avec les différents registres de généalogie par l’entremise d’une société d’histoire et de généalogie.

Si vous comprenez et écrivez l’Anglais, je vous conseille fortement de vous inscrire sur les principaux groupes de personnes issues de « dons » de gamètes. Je peux vous fournir une liste si vous me contactez. Il y a dans ces groupes des personnes qui ont beaucoup d’expérience dans ce type de recherches et qui peuvent vous aider.

La prochaine partie de ce petit guide traitera des différents sites de test d’ADN et des différents registres. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à écrire un commentaire ou à me contacter par courriel à lacigognedemasquee@gmail.com

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Maudite dette existentielle

Au début de l’été, dans la foulée du dépôt du rapport du CSBE réclamant entre autres plus de balises pour le programme québécois de procréation assistée, le Ministre de la Santé Gaétan Barrette a laissé entendre que d’importants changements pourraient être apportés au programme, voire même qu’il pourrait être abandonné. Il n’en fallait pas moins pour que les cliniques de fertilité, les « fertologues » ainsi que l’Association des Couples infertiles du Québec (ACIQ) montent aux barricades. Je soupçonne aussi les autres groupes qui pouvaient bénéficier du programme (les couples homosexuels et les mères célibataires par choix, notamment) de préparer des sorties publiques pour défendre les acquis de la loi 26. Évidemment, dans ce débat, les personnes issues de la procréation assistée brillent par leur absence. Aucune association ne nous représente, personne ne semble s’intéresser à notre point de vue.

Je ne peux pas représenter à moi seule toutes les personnes issues de la procréation assistée au Québec. Je peux affirmer toutefois que nous existons, et que bien que nous soyons souvent silencieux, cela ne veut pas dire que nous n’ayons rien à dire. De plus, j’apprécierais vraiment que l’argumentaire utilisé de part et d’autre fasse preuve d’un plus grand respect pour nous.

Bien que les dépassements de couts (PRÉVISIBLES) du programme soient la raison principale de cette remise en question, il est primordial de cesser d’employer un discours objectivant les enfants nés des différentes interventions médicales utilisées pour pallier l’infertilité. Je lis régulièrement des témoignages où on utilise l’argument de « l’enfant qui grandira et deviendra travailleur et payeur de taxes » pour justifier l’investissement du gouvernement dans la procréation médicalement assistée. On a même osé nous qualifier « d’investissement rentable » ou de « bon deal » dans certains articles.

Je suis profondément blessée et insultée lorsque je réalise que cet argumentaire est utilisé par des parents qui ont bénéficié du programme. Ce n’est pas parce que ce gouvernement vous traite comme des numéros que vous devez traiter vos enfants comme des objets ou les présenter comme tels. Ayez un minimum de décence dans vos propos, je vous en prie!

Cet argument implique que les personnes dont la conception a couté de l’argent et des efforts supplémentaires ont une dette existentielle supérieure aux autres. Cela ferait de nous des citoyens de seconde classe dont la mission est déterminée d’abord et avant tout par nos « créateurs »; nous serions des êtres passifs qui devraient se soumettre à la volonté de ceux qui ont daigné leur donner la vie.

Pourquoi dois-je réclamer le droit d’exister, de penser, de m’exprimer librement? Pourquoi est-ce que toute ma vie on tente de m’imposer le point de vue de mes parents, des médecins qui m’ont conçue, de ceux qui ont payé pour que je naisse? Bien que j’aie été conçue de manière non traditionnelle, je suis une personne à part entière, égale aux autres humains que je côtoie. J’ai beau être le produit d’une industrie, j’ai beau avoir été sélectionnée comme un animal d’élevage, j’estime que j’ai le droit de jouir de ma dignité humaine, peu importe combien j’ai couté au système, à mes parents ou à qui que ce soit d’autre.

Je suis prête à respecter le point de vue des différents intervenants dans le débat sur le programme québécois de procréation assistée. Par contre, je n’accepte pas qu’on me traite, moi et toutes les personnes qui ont été conçues comme moi, comme des objets ou comme des êtres inférieurs qui doivent leur cul à tout le monde dès la naissance…

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Classé dans Montée de lait, Opinion

Aux parents par « don » de gamètes

Contrairement à ce qu’on pourrait croire en lisant mes nombreuses montées de lait, je ne suis pas contre le traitement de l’infertilité, ni contre la procréation assistée. Je pense simplement que les choses pourraient être faites autrement, avec un plus grand respect pour les personnes qui seront ainsi conçues. Je crois aussi fermement qu’il faut qu’on en parle plus, qu’il faut démystifier la question, mieux informer les gens, faire preuve d’ouverture. La honte et le secret n’ont pas leur place dans ce débat; trop de gens restent dans le placard avec leurs idées bien arrêtées et manquent plusieurs opportunités d’évoluer, de se remettre en question, de grandir.

Je suis bien consciente que beaucoup de parents intentionnels continueront d’utiliser la reproduction avec l’apport d’une tierce partie pour concrétiser leur « projet parental ». Ce n’est pas un choix que je ferais personnellement, en toute connaissance de cause, mais je peux respecter ceux qui le feront.

Pour ceux qui choisiront d’utiliser les gamètes d’un étranger ou d’une étrangère pour concevoir leur enfant, pour ceux qui ont déjà fait ce choix, je tiens à soulever trois problèmes essentiels en lien avec cette pratique. Ce ne sont pas les seuls, mais comme point de départ, je crois que cette réflexion s’impose.

Le secret nuit à votre enfant et à l’adulte qu’il deviendra, de même qu’à votre famille

J’ai beaucoup de mal à concevoir qu’encore aujourd’hui, certains parents  par « don » de gamètes se demandent s’ils devraient dire la vérité à leur enfant au sujet de leur conception. C’est selon moi un manque total de respect envers lui que de lui cacher une information aussi cruciale qui le concerne directement. De toute manière, la vérité finit toujours par sortir, et pas toujours dans les meilleures circonstances: lors d’une chicane de famille, suite à un test médical ou par la bouche d’une matante en boisson, sans compter la sensibilité naturelle de certaines personnes qui vont ressentir que quelque chose ne tourne pas rond. J’ai pour ma part toujours eu la très nette impression d’aussi loin que je me souvienne, qu’il y avait quelque chose que tout le monde savait que moi je ne savais pas. Bien avant que je commence à me douter de quelque chose parce que j’étais la seule de ma famille à avoir un groupe sanguin A (tout le monde est O chez nous), bien avant que je réalise que mes yeux verts sortaient de nulle part, et bien avant que ma mère ne me dise la vérité alors que j’avais 12 ans, je me sentais étrangère dans ma propre famille.

Apprendre « sur le tard » qu’on n’est pas biologiquement lié à l’un de nos parents peut avoir des conséquences désastreuses non seulement sur le développement de notre identité, mais aussi sur la manière dont on entre en relation avec les autres humains, sur notre capacité à faire confiance, sur notre estime personnelle. Le premier lien de confiance qu’un enfant développe dans sa vie, c’est celui avec ses parents. De nombreuses études confirment l’importance de cet attachement. C’est extrêmement traumatisant d’apprendre que cette relation était basée sur un mensonge (ou sur une omission volontaire). Ça vient ébranler le fondement même de ce que l’on est, de ce que l’on croit être, de ce que l’on ne sait plus. On ne sait pas toujours qui sait, qui ne sait pas, qui l’acceptera et qui nous rejettera, à qui on peut faire confiance, à qui on peut se confier, qui risque de nous trahir encore… On peut choisir de faire comme si de rien n’était, de tout balayer sous le tapis, exactement comme c’était avant qu’on l’apprenne, mais ça nous rattrape un jour ou l’autre, et il faut finalement y faire face pour mieux l’assumer.

« Quand est-ce qu’on doit le dire? » me demanderez-vous. Tôt et souvent. Tôt comme dans in utero. Souvent comme à tous les jours (bon à un moment donné, ça devient acquis et on peut en parler seulement une fois par mois…). Il faut grandir avec cette vérité, qu’elle ne soit pas un tabou. Les couples infertiles doivent régler leurs bibittes avant de faire des enfants. Il faut que vous fassiez le deuil de votre fertilité, comme dans le cas de l’adoption. Il faut que ce soit acquis pour vous que votre enfant n’est pas lié génétiquement à l’un de vous, et que vous soyez prêts à ce que la vérité sorte devant tout le monde: le médecin comme la coiffeuse, l’éducatrice en garderie comme le concierge de l’immeuble. Soyez-en fiers, assumez le choix que vous avez fait. Le secret mène trop souvent à la honte, et vous ne voulez surtout pas que votre enfant ait honte d’exister.

Il n’est jamais trop tard pour être honnête envers votre enfant. Parfois, le manque d’information et d’accompagnement, le contexte social et culturel ou autre chose retiennent les parents. Néanmoins, je crois fermement que mieux vaut tard que jamais. J’en ai voulu à ma mère de m’avoir menti pendant 12 ans; mais je lui suis tellement reconnaissante d’avoir finalement reconnu que c’était plus sain pour moi que je sache la vérité. Je ne dis pas que ce sera facile, mais c’est un mal nécessaire. Avec un support psychologique adéquat, avec le temps, on gagne en maturité et on arrive à comprendre.

Et si le côté « psycho » n’est pas votre fort, sachez que pour des raisons médicales, c’est important qu’une personne soit au courant qu’elle est issue d’un « don » de gamètes. Le commun des mortels ne réalise pas combien de fois par année une personne se fait demander si elle a des antécédents de tel problème ou de telle maladie dans sa famille. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à ces informations, j’en conviens. Je crois quand même qu’un « je ne sais pas » dans notre cas est plus approprié qu’un tissus de mensonges. Il y a aussi le risque de consanguinité lorsque vient le temps de fonder notre propre famille. Les banques de sperme vont vous dire que ce risque est presque nul, mais il est néanmoins plus grand que pour le reste de la population « normalement » conçue. Il y a des « guides de bonnes pratiques » en la matière, mais ils ne sont jamais suivis à la lettre, et même lorsqu’il y a de la réglementation, il n’y a aucune autorité qui effectue des vérifications et qui applique des sanctions. La consanguinité est gérée avec beaucoup plus de rigueur chez les bovins laitiers que chez les humains. Ce n’est pas très rassurant de se savoir issu d’insémination artificielle, mais en être conscient nous permet d’être plus vigilants…

L’anonymat est néfaste pour tout le monde

Je suis malheureusement bien consciente que le programme québécois de procréation assistée ne rembourse pas le sperme non-anonyme. Il faut savoir que le sperme actuellement utilisé au Québec provient majoritairement de banques étasuniennes (où aucun suivi ni aucune réglementation ne sont imposés et où les « donneurs » sont grassement rémunérés). Les parents qui pourraient être sensibles à la question sont fortement encouragés à utiliser du sperme anonyme, et la machine à désinformation au sujet des supposés dangers d’utiliser des gamètes non-anonymes fonctionne à plein régime. Pourtant, je suis convaincue qu’il est beaucoup plus sécuritaire d’utiliser du sperme de « donneur » ouvert, et je déplore le manque de vision à long terme des fonctionnaires qui ont décidé de faire des économies de bouts de chandelles en décidant de ne payer que pour le sperme anonyme.

Habituellement, les parents intentionnels souhaitent avant tout un enfant en santé. Le dossier médical des potentiels fournisseurs de gamètes doit donc être sans taches, ce que les cliniques s’empressent d’assurer à leurs clients, bien qu’ils n’ont pas fait les vérifications eux-mêmes. Or, les antécédents médicaux sur la fiche du « donneur », c’est une photo prise à une certaine époque, souvent quand la personne est encore relativement jeune et en santé. Après le « don » (ou plus exactement les « dons »), aucun suivi n’est effectué. Le fournisseur de gamètes pourrait bien développer une maladie héréditaire à l’âge de 40 ans qu’on n’en saurait absolument rien. Même s’il prenait la peine d’avertir la banque de sperme (ce qui est très improbable), celle-ci ne fera jamais l’effort de retracer tous les descendants pour les avertir, surtout si ceux-ci sont basés outre-mer. Des situations semblables se sont déjà produites, et de nombreuses personnes ne sauront jamais qu’elles sont porteuses d’une malformation cardiaque, qu’elles ont un risque accru de développer un cancer du côlon, ou qu’elles pourraient transmettre ces gènes à leurs enfants.

On suppose aussi que les potentiels « donneurs » sont honnêtes lorsqu’ils donnent leurs informations. Cependant, j’ai un doute sur l’honnêteté absolue d’une personne qui est rémunérée pour sa contribution (rappelons-nous que les « donneurs » proviennent des États-Unis où ils sont toujours rémunérés) et qui demande de rester anonyme pour toujours…

Au-delà des données de santé, il y a le risque de consanguinité dont j’ai brièvement parlé plus tôt. On nous dit que des normes sur le nombre de descendances par donneurs sont strictement appliquée, or, il n’y a aucune autorité indépendante qui effectue des vérifications. Chez nos voisins du Sud, lorsqu’une banque nous dit qu’on a assez donné, on peut aisément se tourner vers une autre banque pour « donner » à nouveau. Même ici, ce serait une possibilité, puisqu’il n’y a aucun fichier centralisé qui répertorie les donneurs (qui sans être rémunérés à proprement parler, sont assez bien dédommagés).

Mais supposons que je nage en pleine paranoïa et que tout ce beau monde est parfaitement honnête et agit uniquement par pur altruisme, avec une rigueur exemplaire dans l’application des normes (qui existent, là, on s’entend!). Il reste qu’une personne issue d’un géniteur prolifique a plus de chances de tomber sur une personne qui lui est apparentée qu’une personne qui a été conçue de la bonne vieille manière (et ça inclus les adoptés). On calcule les risques de consanguinité en ne considérant que les descendants directs, autrement dit, le risque d’inceste involontaire entre demi-frères/sœurs. Or, on évacue les probabilités qui existent entre cousins (et ces derniers ont encore moins de chance de savoir que leur oncle a été donneur de sperme à une certaine époque), ou entre les enfants des enfants issus d’un même géniteur. Le risque est d’autant plus élevé dans la population québécoise dite « pure laine » qui présente une diversité génétique très limitée comparativement à beaucoup d’autres populations du monde.

Vous me direz que de faire des enfants entre cousins, ce n’est pas si grave que ça, et je vous répondrai que j’éprouve quand même une certaine forme de dégout face à cette idée. Je ne suis peut-être juste pas encore « rendue là » dans mon ouverture d’esprit…

Il reste que de savoir le nom de mon géniteur me permettrait de limiter les risques de consanguinité pour moi (bon, je suis déjà en couple, le mal est peut-être fait!) et pour mes enfants.

Par ailleurs, je trouve dommage qu’on considère l’apport d’un « donneur » comme purement matériel. Lorsqu’une personne fournit les gamètes nécessaire au projet parental d’autrui, elle transmet la moitié de son code génétique à une autre personne. Elle fournit à sa progéniture l’un des deux liens qui l’unit biologiquement au reste de l’humanité, ce qui fait que Pinocchio deviendra un vrai petit garçon et non une marionnette sans vie remplie des désirs de son créateur. Pour moi, bien que cette personne ne soit pas mon père, elle a une importance capitale dans ma vie. Je souhaiterais pouvoir mettre un nom, un visage sur cette vague idée que je me fais d’elle. Autrement, je me sens « artificielle » et déconnectée.

Ce ne sont pas toutes les personnes issues de gamètes étrangères qui ressentiront le besoin de faire des recherches pour trouver l’identité de leur géniteur, cependant, c’est une marque de respect que de leur laisser cette possibilité, que ça leur appartienne. Pendant une grande partie de ma vie, je me suis convaincue que je n’avais pas besoin de cela. Puis, un jour, c’est devenu important, crucial, voire même viscéral. C’est comme cela, on ne peut pas savoir ce que l’on ressentira dans 20 ou 30 ans. Mieux vaut garder ses options ouvertes que de couper des ponts…

Les cliniques de fertilité ne sont pas des organismes de charité mais bien des entreprises à but lucratif…très lucratif!

Il n’y a pas de mal à vouloir gagner sa vie, à demander de se faire payer pour un service que l’on rend. Dans notre société, lorsque le gouvernement paie pour un service, on parle à tort de gratuité. Si quelqu’un t’achète une crème glacée, ta crème glacée n’est pas gratuite. Si collectivement on fait le choix de payer pour des soins de santé (ou pour l’éducation post-secondaire mettons), ça ne fait pas en sorte que ce soit « gratuit ». Les gens qui offriront le service en question seront évidemment payés pour le travail qu’ils feront. C’est un travail bien utile, ça aide des gens, mais ce n’est pas une œuvre de charité. Un urgentologue sauve peut-être des vies, mais il reçoit son chèque de paye en bout de ligne aussi (certains médecins sont motivés par leur altruisme et leur amour de l’humanité, mais d’autres le sont par leur chèque de paye). Même si le client ne le paie pas directement, il représente tout de même une source de revenus pour lui à chaque fois qu’il sort sa carte-soleil.

Les cliniques de fertilité ont toujours été des entreprises à but lucratif. Les gens qui les fréquentaient avant l’avènement de la « gratuité » savent bien combien il en coutait pour une fécondation in vitro ou une insémination artificielle. À partir du moment où la carte-soleil est devenue un « mode de paiement » accepté, on a arrêté de voir ce qu’il en coutait réellement. Il n’est reste pas moins que dans toute cette histoire, ce sont les médecins propriétaires des cliniques de fertilité qui ont fait de bonnes affaires…

Quand un parent intentionnel se présente en clinique de fertilité, c’est lui le client, c’est lui le patron. Le produit qu’il demande, quoi qu’on en dise, c’est un enfant; le produit qu’on lui vend, quoi qu’on en dise, c’est un bébé. Ultimement. Personne ne veut subir des traitements de fertilité juste pour le fun de se mettre les pieds dans les étriers pour se faire jouer dans l’utérus avec des aiguilles longues de même, ou pour le trip de vivre les bouffées de chaleur, sautes d’humeur et autres joyeux symptômes associés à la prise d’hormones. Une fois qu’un enfant est conçu, les cliniques ne font pas de suivi. Elles n’ont aucun intérêt pour nous, les enfants de la procréation assistée. Après tout, elles nous ont conçus et vendus sans scrupules au plus offrant, comme on le fait pour des chiots d’animalerie.

On croit à tort que plus un enfant est désiré, plus il sera aimé de ses parents. On pense rarement qu’un enfant qui a été « obtenu » suite à de grands efforts (et à beaucoup d’argent) pourrait ressentir une certaine pression de la part de ses parents et/ou de la société. Or, aussi difficile qu’a pu être notre conception, on n’a pas demandé à venir au monde. Je dis souvent que si je n’étais jamais venue au monde, ça aurait causé plus de tort et de chagrin à mes parents qu’à moi (ceci dit, comme la majorité des gens, je suis très contente d’être en vie!). Ma vie a commencé après les démarches de mes parents, ce n’est pas moi qui ai mis du temps à venir…

Les cliniques n’ont pas intérêt à ce que les enfants de la procréation assistée donnent leur opinion sur le sujet. Cela risquerait de les forcer à mettre en place des programmes de suivi, des registres, à se soumettre à un contrôle extérieur. Les médecins de l’industrie de la fertilité ont un puissant lobby pour leur garantir toute liberté d’action et de contrôle. Les parents intentionnels ont peut-être un peu de poids dans la balance parce qu’ils représentent leur principale clientèle, mais les enfants qu’ils conçoivent sont une nuisance lorsqu’ils prennent leur destin en main. Les conseils donnés aux parents au moment de la conception ne visent pas à nous apporter un plus grand bien-être, mais plutôt à ce qu’on prenne conscience le plus tard possible (idéalement jamais) qu’il y a quelque chose qui cloche.

Vous devinerez que j’en veux beaucoup plus aux médecins qu’aux parents intentionnels qui sont souvent manipulés par eux. Je bouille chaque fois que j’entends un médecin dire que la levée de l’anonymat des « donneurs » mettrait les banques de sperme à sec (alors que ce n’est pas du tout ce qui est arrivé dans les nombreux pays qui ont fait ce choix, même lorsque la rémunération est interdite). Ma colère est encore plus intense lorsque des « fertologues » affirment que de concevoir un enfant artificiellement est rentable si on considère que ce dernier contribuera à la société en payant taxes et impôts au cours de sa vie (voir mon texte à ce sujet ici, j’en parle à la fin) . Ces arguments sont ensuite repris par les parents en mal d’enfants qui ne se rendent pas compte du mal que ces idées font.

Depuis que les dépassements de couts du programme de procréation assistée font les manchettes, je vois de plus en plus de commentaires disant que la procréation assistée coute trop cher aux contribuables. Je vois aussi de plus en plus de personnes réclamer le « droit à l’enfant » comme s’il s’agissait du salaire minimum, d’un « service essentiel ». Est-ce qu’on se rend compte à quel point ce type de discours objective l’enfant?

Je n’aime pas être considérée comme un produit de consommation. Je n’ai rien à voir avec les difficultés à concevoir de mes parents, je n’ai pas à porter le poids de leur souffrance et de leurs efforts. Oui, j’ai été « produite » en laboratoire, je ne serais pas là si ça n’avait pas eu lieu et je n’étais pas là quand ça s’est fait. Ceci dit, maintenant que je suis au monde, je n’appartiens à personne, et j’ai le droit de penser toute seule, d’exprimer ce que je ressens ou de me révolter indépendamment de ce que ça peut faire à mes parents. Je n’ai pas à être reconnaissante envers les personnes qui m’ont conçue, elles l’ont fait pour elles, pas pour moi. Mes parents pour avoir le bonheur d’avoir un enfant, les médecins pour faire leurs versements d’hypothèque de chalet. Même le « donneur » a été grassement dédommagé pour sa contribution. Je suis le produit d’une industrie, et ça ne me plait absolument pas, peu importe comment on retourne la question.

Soyez l’allié de votre enfant!

Avant de prendre votre décision, prenez le temps de consulter des personnes qui n’ont pas d’intérêt dans votre projet parental. Trouvez des adultes issus de « dons » de gamètes, lisez leurs blogues (et aussi ce post, tant qu’à y être!). Considérez que l’opinion de votre enfant ne sera pas la même que la vôtre, car son point de vue est totalement différent, et acceptez-le tel qu’il sera, tel qu’il évoluera. Assumez ce que vous faites, acceptez de vous remettre en question dans vos convictions profondes, plusieurs fois. Supportez votre enfant, éveillez sa curiosité, soyez sensible à ce qu’il ressent et fournissez-lui une aide extérieure à vous s’il en ressent le besoin.

Vous pourrez être un excellent parent, j’en suis convaincue, mais personne n’est parfait!

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Faut-il vraiment tout médicaliser?

J’ai dans mon cercle d’amis quelques couples homosexuels qui souhaitent avoir des enfants. Plusieurs savent à quel point ma conception par un géniteur anonyme m’a amené de nombreux questionnements, à quel point j’en ai voulu à mes parents à divers stades de ma vie et pour différentes raisons, et c’est ce qui les amène parfois à me parler de leur projet et à me demander ce que j’en pense.

Je me suis souvent posé la question à savoir si j’utiliserais moi-même du sperme étranger si j’étais en couple avec une autre femme et qu’on avait le projet de mettre un enfant au monde. À chaque fois, j’en suis venue à la conclusion que je ne pouvais pas créer un vide dans la vie d’une personne dans le but de combler le mien. Priver une personne de ses origines, c’est injuste, et je ne ferais pas cela à mes propres enfants. J’ai aussi souvent songé à l’adoption, et j’ai réalisé que parfois, surtout dans le cas de l’adoption internationale, ça revient à priver l’enfant de ses origines également, et que certaines pratiques dans certains pays se rapprochent même de la traite de personnes. Reste l’adoption locale, régulière ou banque mixte, qui est selon moi beaucoup plus en accord avec mes principes, même si c’est un parcours du combattant. Disons que c’est un chemin différent vers la parentalité, et qu’il faut choisir ce chemin selon nos valeurs, en acceptant ce qui est tel que c’est. Je comprends que ce n’est pas pour tout le monde.

Il y a aussi le choix de vivre sans enfants. Depuis toujours, je suis convaincue qu’une personne n’a pas absolument besoin d’avoir des enfants pour s’accomplir, pour laisser une marque positive dans la société, pour qu’on se souvienne d’elle. J’ai eu plusieurs modèles dans la vie qui n’étaient pas parents, et qui m’ont grandement influencée.

C’est normal et naturel de vouloir fonder une famille; je peux le comprendre. On a beaucoup de pression sociale pour cela. Je soupçonne d’ailleurs la fameuse horloge biologique de n’avoir rien de biologique, mais d’être une pure construction sociale. Si un jour je retourne à l’université, ce serait un des sujets que j’aimerais explorer…

Je ne peux pas me mettre la tête dans le sable; la reproduction avec l’apport d’une tierce partie est là pour rester. Il y a toujours des gens qui vont choisir cette option-là. Je reste tout de même convaincue qu’on peut faire les choses avec un plus grand respect des personnes directement concernées.

Je suis particulièrement dérangée par la place que prennent les médecins dans la vie des gens. On place ces personnes sur un piédestal alors qu’ils ne sont que des humains comme vous et moi. Ce sont en quelque sorte les nouveaux « curés de paroisse » qui se mêlent des parties les plus intimes de la vie des gens. Et comme partout, il y en a qui ont de meilleures intentions que d’autres. Un médecin qui est propriétaire d’une clinique de fertilité privée fera tout pour vendre ses services. Depuis que le gouvernement rembourse tous les traitements de fertilité qu’un médecin veut bien recommander, ils font des affaires d’or. C’est un peu comme si les médecins étaient aussi pharmaciens et vendaient les médicaments qu’ils prescrivent. En fertilité, dans les cliniques privées, on vous propose tout de suite le traitement le plus couteux (et souvent le plus invasif), même si un traitement moins onéreux est envisageable. Les clients ne s’en plaignent pas; ils sortent la carte soleil et n’osent pas contester l’autorité du médecin.

Pourtant, je suis convaincue qu’on n’a pas besoin de tout médicaliser. Si on utilisait la FIV pour de réelles indications médicales, bien diagnostiquées, on pourrait limiter considérablement les couts du programme. Même chose pour l’insémination artificielle. D’ailleurs, nul besoin d’être médecin pour inséminer une femme qui n’a pas de problème de fertilité en soi; la plupart des foyers ont tout ce qui leur faut dans leur cuisine pour concevoir un enfant sans avoir de relation sexuelle… (Je le fais au quotidien avec mes vaches, mais ça, c’est une autre histoire!)

Les médecins des cliniques de fertilités nous mettent en garde: « C’est très risqué! Vous pourriez attraper plein de maladies transmises sexuellement. Et que dire des complications juridiques si le donneur réclame des droits parentaux? ». Mettons les choses au clair: le risque zéro n’existe nulle part. On peut par contre se responsabiliser, comprendre et gérer une bonne partie de ces risques. Selon moi, l’achat de sperme anonyme aux États-Unis comporte beaucoup plus de risques que de demander à un ami de confiance de contribuer à un projet parental.

Au niveau des maladies, bien qu’on teste les fournisseurs de gamètes pour plusieurs problèmes de santé, nous dépendons de l’état actuel de la science. Quand moi j’ai été conçue, en 1983, il n’était pas possible de passer un test de dépistage pour le VIH. Quand le test est devenu disponible, quelques années après, ma mère a demandé à ce qu’on l’informe à savoir si les géniteurs qui avaient été utilisés pour concevoir ses enfants avaient été testés. Devant l’impossibilité de l’hôpital à retracer les deux hommes, elle s’est résolue à passer le test elle-même. Heureusement, c’était négatif. Par contre, si jamais elle voulait donner du sang, il lui serait impossible de répondre honnêtement à la question « Avez-vous eu des relations sexuelles avec une personne dont vous ne connaissez pas le passé sexuel? ».

On croit à tort que l’état actuel des connaissances nous permet de déceler toutes les maladies du monde et de les prévenir. Ce n’est vraiment pas le cas. Plusieurs maladies comportant une composante héréditaire ne sont pas encore identifiables car on n’a pas fini de comprendre parfaitement le génome humain. Pour cela, on dépend totalement de l’historique familiale. Or, c’est une donnée qui évolue. On peut développer un cancer du côlon (ce cancer a une très grande composante héréditaire sans qu’on sache exactement où se situent les gènes qui en sont responsables) après avoir fait un don de sperme. On peut être porteur d’un gène récessif sans en être conscient. Et malgré tout, quoi qu’on vous disent, les banques de sperme ne testent pas absolument tout. Après tout, il n’y a aucune autorité qui vérifie la validité des informations qu’elles donnent, et il n’y a aucun suivi des enfants qui sont conçus avec les gamètes qu’elles vendent.

D’un point de vue strictement sanitaire, j’aurais plus tendance à faire confiance en mon meilleur ami qui accepterait de me fournir de son sperme qu’en une clinique à but lucratif qui s’approvisionne dans un pays étranger. Je ne dis pas de prendre le premier Bozo qui offre son précieux nectar « gratuitement » sur Craigslist. Je serais malgré tout probablement grandement rassurée de savoir que mes parents ont rencontré et se sont entendus clairement avec mon géniteur plutôt que de s’être fiés à ce qu’un médecin leur a dit…

En ce qui concerne les complications juridiques liées aux droits parentaux, je suis toujours étonnée de voir que les mêmes médecins qui prônent l’anonymat des donneurs pour ces raisons n’hésitent pas à pratiquer des fécondations in vitro pour des mères porteuses. Au Québec, en ce qui concerne la gestation pour autrui, il est bien clair que ces contrats sont « nuls de nullité absolue ». Le risque de complications juridiques à ce niveau-là est énorme, et malgré tout, les médecins de la clinique OVO n’ont pas hésité à pratiquer une FIV (non médicalement requise et payée par l’État) pour les enfants de Joël Legendre. Or, dans le cas du don de sperme, la loi est beaucoup plus claire. S’il n’y a pas de relation sexuelle, il est très difficile de réclamer des droits parentaux pour un « donneur » de sperme. D’un point de vue juridique, la paternité repose sur un acte de foi. Si une femme mariée donne naissance à un enfant, le second parent sera automatiquement la personne avec qui elle est mariée, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. De plus, si un parent biologique veut réclamer des droits parentaux, il doit faire la preuve qu’il s’est impliqué auprès de l’enfant en tant que parent ou qu’il faisait partie du projet parental initial. Dans tous les cas, pour le don de sperme, un bon contrat suffit à limiter les risques de complications juridiques.

Nul besoin selon moi pour un couple de lesbiennes ou pour une femme seule de passer par les cliniques de fertilité pour avoir des enfants. Si j’étais dans cette situation, je fuirais les « fertologues » comme la peste! Je considère d’ailleurs qu’ils on fait suffisamment d’argent sur mon dos, et qu’ils n’ont pas eu mon bien-être très à cœur, à moi et à tous mes « frères et sœurs » conçus par leurs « bon soins ».

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