Petite histoire d’un blogue

On croit souvent que la procréation assistée est un fait relativement nouveau. J’ai moi-même appris que ça existait le jour où ma mère m’a annoncé que j’étais issue d’une insémination artificielle. Pourtant, la première insémination artificielle humaine documentée remonterait à 1884!

Pendant longtemps, on m’a fait croire que l’anonymat de mon géniteur était une condition sine qua non à mon existence. Que si je n’étais pas parfaitement en accord avec cette pratique, c’était sans doute parce que mes parents ne me l’avaient pas annoncé au bon moment, de la bonne manière, ou parce qu’ils avaient été mal conseillés. Que les circonstances de ma conception me servaient d’excuse pour ne pas me comporter exactement comme on souhaitait que je le fasse, alors que j’étais en fait une enfant gâtée.

Je me suis sentie extrêmement seule pendant toutes ces années. Aucun professionnel de la santé, aucun adulte de confiance ne savait comment réagir quand j’en parlais. En général, ils étaient déstabilisés de rencontrer une personne issue d’une procédure qu’ils croyaient sortie tout droit d’un film de science fiction. Je n’ai trouvé du réconfort qu’avec moi-même, et aucune réponse à mes questions. Je n’ai même pas osé croire qu’il y avait d’autres personnes dans la même situation que moi.

Trente ans plus tard, me questionnant sur nos capacités à enfanter mon conjoint et moi, je me suis retrouvée en clinique de planning pour une évaluation, avec beaucoup de méfiance, mais aussi une grande curiosité. Le contexte a beaucoup changé depuis ma conception, mais on dirait que plus ça change, plus c’est pareil. Ce que j’ai découvert m’a choquée. Je croyais qu’en mettant sur pieds un programme provincial de procréation assistée, les Québécois auraient pris la peine de se poser des questions d’ordre éthiques avant de penser au côté économique de la chose! Mais il faut croire que malgré le fait qu’on pratique des inséminations par donneurs depuis plus de 30 ans, il a été impossible d’aller chercher le point de vue des enfants (maintenant devenus adultes) qui sont nés de ces inséminations. Que le point de vue des couples infertiles, relayé par les cliniques de fertilité qui font des affaires d’or et propulsé par des vedettes comme Julie Snyder et Joël Legendre est bien plus sexy que celui des enfants, puis des adultes, qui se posent des questions existentielles.

En faisant plusieurs recherches sur le web, j’ai réalisé qu’il existait des associations de personnes issues de « dons » de gamètes. La plupart des groupes sont anglophones, et on ne retrouve aucun groupe québécois. Je ne connais pas le nombre de descendants de géniteurs anonymes au Québec, mais je suis convaincue que je ne suis pas seule. Pourtant, la plupart des intervenants que j’ai contacté m’ont affirmé ne jamais avoir eu de contact avec l’un d’entre eux.

Je veux témoigner, me faire entendre. Je souhaite créer des liens avec d’autres descendances de géniteurs anonymes. C’est pour cela que j’ai commencé à écrire ici.

De plus en plus de personnes sont créées par la procréation assistée. Les procédures qui sont pratiquées actuellement vont au-delà de notre entendement, et les lois, lorsqu’elles existent, sont peu appliquées. Je souhaite ici partager ce que je trouve, créer des liens, et qui sait, peut-être développer quelque chose de plus grand, de concret…